dimanche 30 août 2015

LES NOIRS ONT-ILS ETE MAUDITS PAR DIEU ?





La malédiction dite de Cham (ou mythe chamitique) est dérivée de l'histoire biblique de Noé (Genèse 9:21-27), et a formée le noyau du système de croyances raciales parmi les Juifs au cours des siècles avant l'époque de Jésus. Même si les personnages de la Genèse ne portent pas d'identité raciale, les rabbins talmudiques constituèrent une nouvelle version de l'épisode de Noé, où Dieu maudit la descendance de Cham, fils de Noé à la peau noire. Ces Juifs disposent en outre que Cham (le maudit) est le père de la race noire! La raison pour laquelle les Juifs créèrent ce mythe extrêmement raciste fut d'ordre économique. Les commerçants juifs du Moyen Age dominèrent les débuts du commerce des esclaves, et ne firent pas d'abord pas de distinctions entre leurs victimes sur des bases raciales. Au fil du temps, la compétence, l'intelligence et la force des Africains furent considérés comme plus négociables que les capacités de tous les autres, et une prime fut mise sur leur vente. Nous le voyons aujourd'hui dans le sport. Lorsqu'ils cherchent leurs nouvelles vedettes, de Basketball universitaire, de football, de Base-ball les recruteurs parcourent les quartiers noirs, et non les banlieues blanches. Les anciens rabbins, appréciant les avantages financiers de la traite négrière, déformèrent l'histoire originale de Noé pour justifier la nouvelle orientation raciales de la "malédiction" africaine sanctifiant ainsi le commerce afro-centré des esclaves. 


Répandu partout comme prophétie divine par les marchands d'esclaves juifs et leurs bénéficiaires dans le clergé, l'esclavage fut finalement universellement considéré comme le sort des Noirs africains. À travers le millénaire la malédiction dite de Cham fut facilement adoptée par toutes les grandes religions et fut utilisée à profusion lorsque les circonstances exigeaient l'affirmation agressive de la suprématie blanche.


Source: The Secret Relationship Between Blacks and Jews: How Jews Gained Control of the Black American Economy, Volume 2 (2010).

samedi 29 août 2015

QUI A PEUR DE WILLIAM LYNCH ?



Qui peut croire qu'un clown comme William Lynch (qui est mort depuis plus de deux siècles, précisons-le) pourrait contrôler le cerveau des Noirs aujourd’hui? 

Personne ne peut changer la Nature de l'Homme Noir Originel, sauf Dieu. Quelque soient les tentatives des esclavagistes Blancs, aucun d'entre eux ne peut contrôler l'esprit d'un Noir déterminé et qui a la foi. 

La preuve en est que durant la période de l'esclavage des Noirs dans les Amériques et dans les Caraïbes, il a non seulement existé des révoltes mais des Royaumes dominés par des Noirs: Royaume de Yanga dans le Vera Cruz, Royaume de la reine Nanny en Jamaïque, Royaume de Zumbi de Palmarès au Brésil, Royaume du Roi Christophe en Haïti, etc. 

Comment expliquer que ces Noirs aient pu créer des royaumes en plein territoire esclavagiste si le simple fait de l'esclavage suffirait à détruire la Nature de l'homme et la femme Noirs? Comment expliquer que ces royaumes avaient des relations économiques, diplomatiques avec les pays esclavagistes européens et américains? 

On se souvient que les Noirs du Royaume du Maroc (Maures) étaient des hommes libres aux USA protégés par les lois américaines contrairement aux autres Noirs asservis. Vu que depuis le 20 décembre 1777, les USA sont reconnus comme nation souveraine pour la première fois par un pays qu'est le royaume du Maroc. Au point qu'ils signent tout deux un traité de paix et d'amitié en 1787 toujours en vigueur, qui est d'ailleurs le plus vieux document diplomatique que possède le Congrès américain. 

N'est-ce pas la preuve que tout dépend non pas d'une malédiction ou d'un contrôle du mental des Nègres par les Blancs, mais de notre foi et de notre détermination? 
Tous les Noirs qui ont été ou sont déterminés et qui ont la foi ont toujours su imposer le respect aussi bien sous esclavage, colonisation ou autre situation. 

Autre élément que vous ignorez dans votre tentative d'explication de la crise africaine, c'est la dimension spirituelle, religieuse prophétique de la destinée du peuple Noir. L'esclavage que ce peuple a subi dans les quatre coins du monde est une prophétie indépendante de la volonté même des esclavagistes. Que ce soient dans les textes prophétiques des Naga, des Mdw Ntr (prophétie de Neferty), ou encore de la Bible (esclavage de 400 ans), ces temps d'asservissement ont été annoncés des millénaires à l'avance. 

Les Mdw Ntr avaient averti qu'il arriverait un temps où nous nous détournerions de nos héritages culturels, 

intellectuels et religieux. Les textes des Nagas avaient prédit notre déportation. La Bible avait annoncé les 400 ans d'esclavage. 

Et dans le même temps ces textes prophétiques annoncent la sortie à la lumière du jour après ces temps obscurs où l'Homme Originel reprendrait sa place à condition qu'il ai la Foi et qu'il soit déterminé, discipliné. Or nous sommes dans ce temps là. Par conséquent aucun manipulateur esclavagiste ne peut contrôler notre cerveau de façon collective (surtout s'il est mort), alors que Dieu nous dit que ces temps sont pour nous, à contrario de nos bourreaux qui seront détruits par la foudre du Très Haut Lui-même. 

Nous avons connu le summum (avec les civilisations antiques avant Kemet), nous avons connu le pire durant 400 ans. Par conséquent nous connaissons tous les sentiments : la gloire comme l'humiliation. 

Et aujourd'hui il n'appartient qu'à nous d'écrire notre destinée pas à des pantins comme William Lynch dont l'ombre ne fait peur qu'aux afrocentristes.

~ Tahéruka Shabazz

vendredi 28 août 2015

CE QUE NOUS VOULONS ATTEINDRE



La conscience nationale



La conscience nationale est la conscience de notre origine en ce monde, qui est divine. En tant que nation, nous sommes le premier dans à être venu à l'existence et tous les autres peuples dérivent de nous. La conscience nationale c'est la conscience de l'histoire et de la culture unique du peuple noir et des contributions inégalées que nous avons apporté à la Civilisation, en étant que pères et mères de la Civilisation. La conscience nationale c'est la prise de conscience que nous sommes tous un seul peuple, indépendamment de nos origines géographiques et que nous devons travailler et lutter comme un, si nous voulons nous libérer de la domination des forces extérieures et créer un gouvernement universel d'amour, de paix et de bonheur pour tous les peuples de la planète.

Le contrôle communautaire


Le contrôle communautaire de l'éducation, de l'économie, de la politique, des médias et des institutions de santé de notre communauté. Notre demande de contrôle communautaire découle naturellement de notre science de la vie, qui enseigne que nous sommes l'Être Suprême en personne est le seul contrôleur de notre propre destin; nous devons donc avoir le même contrôle sur le plan collectif que nous nous efforçons d'atteindre sur le plan individuel. C'est une condition préalable à notre survie que nous prenions le contrôle des biens et services qui permettent de rester en vie. Chaque communauté a besoin de cela afin de maintenir et de progresser elle-même ainsi que la Civilisation. C'est seulement lorsque nous aurons atteint le contrôle communautaire complet que nous serons en mesure de prouver au monde la grandeur et la majesté de notre culture divine, qui est la liberté.

La paix


La paix est l'absence de confusion (de chaos/Isefet) et l'absence de confusion est l'Ordre (la Mâ'at). La Loi et l'Ordre sont le fondement même sur lequel notre science de la vie repose. Les Mathématiques sacrées sont les Lois et l'Ordre de l'Univers, C'est cela, la science de l'Islam (au sens ésotérique), qui est la paix. La paix est la compréhension suprême entre les gens au bénéfice de l'ensemble. Nous allons réaliser la paix, en nous-mêmes, dans nos communautés, dans nos pays et dans le monde. Ceci est notre but ultime.

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LES ORIGINES DU NOM "FIVE PERCENTERS"



Les Fives Percenters enseignent que les Noirs en particulier, et l'ensemble de la population mondiale, plus généralement, peuvent être divisés en trois groupes:

- Les 85%, peuvent facilement être conduit dans la mauvaise direction et difficilement dirigé dans la bonne direction, ce sont les humbles masses, mentalement sourdes, muettes, aveugles à la vérité sur eux-mêmes et le monde dans lequel ils vivent.

- Les 10%, connaissent une grande partie de la vérité, mais l'utilisent à leur avantage pour garder les 85% sous leur contrôle à travers la religion, la politique, le divertissement, l'économie, et d'autres méthodes.

- Les 5%, sont les êtres divins éclairés, ayant repris possession de la connaissance de la vérité concernant les fondements de la vie et de soi-même, et ils cherchent à libérer les 85% grâce à l'éducation.

Les pourcentages présentés ne sont pas destinés à être exacts, mais ils sont plutôt destinés à représenter respectivement  la population, les dirigeants religieux et  politiques, et les quelques personnes vraiment éclairés sur Terre. Les chiffres utilisés soulignent des traits communs pour identifier les membres de ces trois groupes et peuvent être pleinement compris en utilisant le langage des Mathématiques Suprêmes.


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LES MATHÉMATIQUES SUPRÊMES


1. - Connaissance : 


La connaissance est l'accumulation des faits à travers l'observation, l'apprentissage et le respect. La connaissance est le fondement de toute existence, car il faut que quelque chose soit "connu", afin de le faire connaître. 1=connaissances=l'homme. 

2. - Sagesse:


La sagesse est la connaissance sollicitée. La sagesse est comme l'eau, ou l'élément de base essentiel de la vie. 2=Sagesse=la femme.

3. - Compréhension: 


La compréhension est l'addition de la Connaissance & de la Sagesse (1+2=3), la compréhension complète. 3=compréhension= l'enfant. La plus haute forme de compréhension est l'Amour. Comprendre, c'est d'abord et avant tout, construire à partir des connaissances. 

4. - Culture et/ou la Liberté:


La culture est un mode de vie. Cela peut également être la liberté dans certains contextes, parce que plus vous disposez de Connaissance, de Sagesse & de Compréhension, plus votre Culture sera proche de la véritable Liberté. Votre Compréhension découle de vos connaissances (1+3=4).

5. - Puissance et/ou Raffinement:


La puissance est la force ou l'énergie créatrice. Etre raffiner c'est se perfectionner. 5=Puissance=Vérité. La Sagesse et la Compréhension vous donneront le pouvoir (2+3=5).

6. - Égalité:


L'égalité est l'état ou la qualité d'être l'égal ou de posséder un équilibre. C'est à dire, promouvoir l'égalité avec tous. L'égalité est atteinte par une Connaissance commune, la Sagesse et la Compréhension ((1+2=3)+(1+2=3)=6). 6 peut aussi être Le Diable, car il a le pouvoir d'être l'égale de l'homme, mais pas de Dieu. 

7. - Dieu et Perfection:


7 est Dieu et la perfection, l'Être Suprême/l'Energie qui est l'origine de tout l'univers. Dieu voit avec les sept couleurs de l'arc en ciel et entend avec les sept notes de l'échelle musicale. Amour-Culture (3+4=7).

8. - Construire ou Détruire:


Construire c'est élever sa son intelligence et sa matière, ainsi que celles des autres et de la planète. Détruire c'est ruiner son l'intelligence et sa matière, celles des autres et de la planète en permettant au négatif de l'emporter sur le positif. Votre culture peut construire ou détruire (4+4= 8).

9. - Né:


Être né c'est être mis au monde. Il faut 9 mois pour faire un bébé. 9 est le seul nombre qui donne naissance à lui-même (9+9=18) => (1+8=9), (9x9=81) => (8+1=9). 

0. - Zéro (Cycle / Cercle):


0=zéro, c'est également l'achèvement d'un cercle composé de 360° (120° de Connaissance, 120° de Sagesse, 120° de Compréhension). Tout dans l'existence se rapporte au zéro. Un cercle sans circonférence.

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CE QUE NOUS ENSEIGNONS



Ce que la Five Percenters Nation enseigne : 


  1. Le peuple Noir est le peuple originel de la Terre.
  2. Les Noirs sont les Pères et les Mères de la Civilisation.
  3. Que la science des Mathématiques Suprêmes est la clé pour comprendre la relation de l'homme à l'univers. 
  4. L'islam est un mode de vie, pas une religion.
  5. Que l'éducation doit être façonné pour nous permettre d'être autosuffisant en tant que peuple.
  6. Que chacun devrait enseigner une fonction de ses connaissances.
  7. Que l'homme noir est Dieu et que son propre nom est Allah. 
  8. Que nos enfants sont notre lien vers l'avenir et qu'ils doivent être encouragés, respectés, aimés, protégés et éduqués. 
  9. Que la famille noire unifiée est l'élément vital de la nation.

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LA THÉOPHANIE DANS LES RELIGIONS ANCESTRALES AFRICAINES : PLAIDOYER POUR UNE THÉOLOGIE DU CORPS



Lisez-le, Appliquez-le.

Pour qui est coutumier du milieu des intellectuels africains investis dans la renaissance africaine, la question religieuse se présente comme le cœur de la pensée, de la doctrine du renouveau panafricain. Alors que dans d’autres aires géographiques l’on professe la mort de Dieu, Sa prétendue inexistence, Son absence ou au mieux Son inutilité, ouvrant par-là la porte à des lois iniques anti-divines comme la légalisation du mariage homosexuel ; en terre panafricaine, en revanche, aucune réflexion n’est sérieuse, ni complète, ni crédible ou audible sans le recours à la divinité, sans le retour à Dieu.

Cette primauté de Dieu est lisible aussi bien dans les œuvres des philosophes du début siècle dernier, à l’instar des penseurs de la Négritude, que dans celles de ceux de la dernière génération comme le philosophe congolais Auguy Makey [1] en passant par les ethno-philosophes et autres philosophes du courant critique du tempelsiano-kagamisme.

Parmi cette galaxie de philosophes africains, le Ghanéen Kwasi Wiredu, qui est probablement un des plus conséquent de sa génération, invite à travers son mythique ouvrage «Conceptual Decolonization in African Philosophy : Fours Essays [2]» à «décoloniser la philosophie africaine» et partant à «dés-helléniser les religions africaines» comme dirait le poète ougandais Okotp’Bitek dans son livre «Decolonization of African Religions».

Cette invite rectificationniste appelait ses pairs et les jeunes pousses philosophes du continent africain et de sa diaspora à désengluer le discours théologique africain de sa subordination, à couper court à son incessante défiguration hellénisante.

Le discours théologique étant l’argument phare de la dialectique panafricaine, il était donc urgent de le rétablir dans ses habits naturels, originels, qui avaient fini par être troqués inconsciemment ou non par deux générations de philosophes africains formés dans les universités africaines, pour des haillons intellectuels.

En cela, la posture d’avertisseur du philosophe ghanéen nous renvoie à la figure médiévale et afrabique d’un Ahmed ibn Hanbal qui s’opposait déjà courageusement durant le califat abbasside, à la désafricanisation de la théologie musulmane par un processus d’hellénisation (néo-pythagorisation) et de zoroastrisation accéléré en premier lieu par le courant des philosophes-théologiens mutazilites qui comptaient dans leurs rangs le non moins remarquable père de la littérature arabe, le négro-arabe iraquien Al-Jahiz.

Ainsi si l’on veut maintenir le discours théologique dans son rôle d’architectonique de la Renaissance Africaine, il nous faut non seulement nous débarrasser des déviances et autres réflexes ataviques mortifères, mais aussi et surtout localiser puis rejeter la greffe hellénisante qui travaille insidieusement à la dissolution complète de notre compréhension ancestrale de la religion. D’autant plus que l’outil atoumologique concourt à donner une rythmique plus sous-terraine que solaire aux Hell-ènes dont l’identité véritable s’articule autour de la béance, de la cellule (prison), de l’Enfer, de ce qui est inférieur. En effet, la racine « hell » qui donne « Hellène » vient de l’indo-européen via le sanskrit « kal » qui signifie enterrer, couvrir, être creux, résonner [3].

Yannick Le Boulicaut dans son livre « Etymologie et exégèse littéraire » précise que « de la même racine kal provient, par ailleurs, l’anglais « hell » ». Or en anglais « hell » signifie « enfer ». Il est parenté aux germaniques hole (=caverne), ou encore au hollandais hölle (=creux, grotte). D’après György Doczi dans « The power of limits : proportional Harmonies in Nature, Art, and architecture » « hell »  c’est la calamité [4].Par une étude atoumologique serrée on parvient à Hol-lande[5] qui est littéralement le « pays infernal », « le pays calamiteux », « l’enfer », et non le Pays-Bas comme officiellement connu ; d’ailleurs l’autre nom par lequel l’on appelle ce pays à savoir « Nether-land » est explicite et conforme à notre lecture, puisque c’est précisément « le pays du néant ». Nous avons aussi, construit à partir de cette même racine, les « Helvètes »  et bien sûr les « Hellènes ». Tous ces peuples sont liés au champ lexical de l’enfer, du monde inférieur, des pays creux, de calamité.

Aussi « dés-helléniser » la théologie africaine, c’est en somme la dé-diaboliser, la sortir des griffes des vils, la ré-évaluer, la rehausser, la revaloriser. Or cette attaque en règle contre le cœur du discours théologique africain ne se produit ni en surface, ni en périphérie ou à la marge, mais en profondeur et au centre, dans le cœur même du système épistémologique africain.

Quelle que soit l’obédience religieuse (ancestrale, abrahamique, diasporique), la mère des questions, la question des questions, est celle ayant trait à la nature de Dieu, à savoir : Qui est Dieu ? Qu’est-ce Dieu ?

A partir de la réflexion du philosophe du Ghana, nous posons que même cette question-ci n’a pas été épargnée par le processus d’hellénisation précité ci-dessus.

S’il est vrai que les discours sur l’essence, la quiddité, la fitra (dans la dialectique coranique), le n.t (dans les médu neter), ou encore le ntu (dans la dialectique des langues bantu) de Dieu brillent par leur incomplétude génétique quand ils ne sont pas tout simplement faux, ceux sur Sa manifestation ne sont pas frappés du même sceau d’inaccessibilité ontologique, nous disent les textes sacrés.

La théophanie ou manifestation physique de Dieu dans Sa Création, puisque c’est de ça dont il s’agit, innerve la théologie africaine depuis les temps préhistoriques jusqu’à aujourd’hui.

C’est que cette redoutable et redoutée question induit des conséquences bouleversantes dans tous les domaines de la société sans n’en oublier aucun. Au point même de faire dire que la richesse d’une civilisation se mesurerait à l’aune de la réponse apportée à cette interrogation sévère. Cette analyse est d’ailleurs partagée par Joseph Masson dans son livre « Père de nos pères » :

« Les théophanies réservent à qui les accueille comme il le faut, tant de richesses qu’aucune religion n’a pu les refuser sans s’appauvrir. En fait toutes les religions y recourt, encore qu’avec une lucidité inégale [6] »

Pour rebondir sur cette citation ci-dessus, reconnaissons au moins que la civilisation égypto-nubienne a su faire bon accueil à la théophanie, donc est parvenue à s’éviter bien des tracas avec le piège de l’appauvrissement théologique. En témoigne encore le nom même par lequel l’Être Suprême Se caractérise Lui-même, à la sortie de Son état d’inertie dans le Noun, la méta-matière primordiale, matrice de la matière : Il est appelé Khépérou.

La polysémie qui accompagne ce dernier terme nous informe qu’il signifie entre autres « existant » et « forme ». Comme pour dire qu’il ne peut se concevoir d’existant sans forme, en somme sans substance, sans matière. La matérialité étant pour nos théologiens antiques une des modalités de l’exister. L’Existant des existants, Celui qui est la condition de possibilité de l’existence de toutes les autres existences, n’échappe pas à cette règle qui veut qu’exister c’est in fine se matérialiser, prendre forme, se corporaliser hors du Noun.

Cette conception théologique, nous dit Nsame Bongo dans «Contre-histoire de la philosophie : la personnalité philosophique du monde noir», est en partage par tous les peuples Noirs du globe :

«Cette matérialité des divinités ou du Dieu suprême est présente partout en Afrique et a même prévalu face au christianisme, par exemple, dans une bonne partie des populations noires en Amériques [7]»

Mais soulignons que la matérialisation de la divinité n’est pas quelconque ; celle-ci ne s’effectuant pas sous n’importe quelle forme. Bien que nous n’en donnions les raisons que plus tard, nous pouvons, néanmoins, dire quelques mots liminaires sur cette forme particulière qu’adopte Dieu dans Sa théophanie.

Pour ce faire référons-nous aux propos d’un gardien de la tradition à Gourmantché (Niger), le chef traditionnel Talimbaré Kondjoua, lors d’un discours solennel accompagné des théologiens traditionnels et tradi-praticiens que sont Amina Soumana, Pali Pananni Sanňa (Djimpali), Amadou Oumarou Tonko, Myamba Yombo et Soumaïla Mardia Wali. Cette déclaration faite en présence de ces sommités religieuses traditionnalistes a été recueillie par João Pédro Galhano Alvès dans «Anthropologie et écosystème au Niger : Humains, liens et esprits de la forêt dans laculture gourmantché». Voici ici un extrait :

«[Il y a] un Dieu créateur initial, doué d’une personnalité, d’un nom propre sans pluriel, généralement anthropomorphique quoique non-humain, juge en autorité suprême du cosmos en tant qu’origine de toute force, et référence ultime de l’éthique[8].»

Cette affirmation sur la forme divine que l’Humanité aurait hérité, se trouve à l’identique dans la tradition théologique des peuples les plus anciens en Afrique, à savoir les Pygmées d’Afrique Centrale et les Khoi-San d’Afrique Australe [9]. C’est ce que l’on peut lire dans le périodique «Année Sociologique» :

«Chez les Négritos de Malacca, chez les Boshimans, chez les Pygmées africains, le grand Dieu serait conçu sous forme anthropomorphique [10]» 

Ainsi en est-il de Dwui, Dieu suprême chez les habitants du désert de Namib et du Kalahari. L’affirmation de l’anthropomorphisme est également validée pour Hachacyum, Dieu suprême dans la théologie antique maya. C’est donc une constante chez toutes les populations noires autochtones d’Asie comme les Négritos, des Amériques comme les Maya ou encore d’Afrique comme les Khoi-San et les Pygmées. C’est ce que nous rappelle le Révérend Père Henry Trilles pour ces derniers dans son ouvrage «L’Âme du pygmée d’Afrique» :

«La croyance à un Dieu suprême est spécifiquement Pygmée. Cette divinité, toute anthropomorphique, a créé l’homme et le monde. Elle habite au ciel et on l’invoque du nom de père [11]» 
Il s’agit bien d’une théologie africaine autochtone, non enseignée par un peuple étranger aux Pygmées d’Afrique. Ainsi la forme humaine de Dieu, bien que la formulation soit logiquement incorrecte car c’est l’Homme qui procède de Dieu et non l’inverse, est une donnée théologique qui remonte à des temps anciens, très reculés et antérieurs au paléolithique. Et même la haute civilisation égypto-nubienne, comme nous le remarquions supra, professait une matérialité manifeste de Dieu et plus spécifiquement un anthropomorphisme, d’après forces égyptologues dont Jozef Marie Antoon Jansen dans le «Annual Egyptological Bibliography» :

«C’est cette forme humaine que possédaient Sopdt, Anedjty, le dieu d’Héliopolis, Min, Onouris( ?), et Ptah. Comme leurs centre de culte se trouvaient à l’Est du Nil,il est probable que ces dieux avaient été emprunté à des tribus de Palestine ; mais il reste douteux que leurs introducteurs aient été des Sémites[12]»

Les représentations et descriptions physiques des nétérous [13] et du Dieu Suprême dans la Vallée du Nil, qu’Il soit appelé Ptah, Min, Khnoum, Rā, etc., contrairement à ce qu’avancent les égyptologues ignorants de la théologie africaine ancestrale comme celle des Aka (Afrique Centrale), ne relèvent pas du symbolisme mais de la réalité tangible, palpable. C’est une réalité concrète que tous les anthropologues spécialistes du monde Noir savent pertinemment. Raison pour laquelle Jozef Antoon Jansen trouve (hypocritement ?) douteux que les tribus sémites de Palestine aient pu être les introducteurs en Egypte des cultes du Dieu anthropomorphique. Car admettre cela c’est reconnaître implicitement que les Sémites seraient des populations noires, ce qui est absolument insupportable à l’intelligentsia occidentale si fière de l’héritage judéo-chrétien donc sémite dont elle croit être (frauduleusement) le récipiendaire-dépositaire [14]. Carl’anthropomorphisme de Dieu est un marqueur spécifique du monde noir. Nous le voyons dans l’hindouisme avec les différents avatars (théophanies) de Brahama, que ce soit Krishna, Vishnou ou encore Rama. Le monde sémite que nous savons négro-africain ne fait pas exception à cette règle.

Aussi en est-il de même pour le monde bantou tel que décrit dans «Dieu dans le vaudou haïtien» de Laënnec Hurbon:

«Chez les Paléo-Négritides, on trouverait la conception du Dieu lointain, et chez les Bantous, celle du Dieu anthropomorphe [15]»

En Afrique de l’Ouest la tradition yoruba avec l’Être Suprême Olodumaré consacre l’anthropomorphisme comme vision indépassable, nous renseigne Claude Assaba dans son étude «Vivre et savoir en Afrique : Essai sur l’éducation orale en yoruba» :

«Ces traits de leur perception du monde consacre l’anthropomorphisme et le géocentrisme. Ces deux caractères nous renseignent sur la place que les Yoruba accordent à l’Homme [16] (…)»

Une fois que les populations blanches ont été judaïsées (Khazars Blancs du Caucase), évangélisées (Europe occidentale et centrale) et islamisées (Iraniens, Turcs, Européens méridionaux), elles ont toutes, sans exception aucune, cherché, dans un deuxième temps, à désafricaniser à tous prix ces religions révélées au monde (négro) sémite pour plus les conformer à leur modalité de penser et de vivre. Leur modus operandi consistant à nier systématiquement par tous les moyens possibles et imaginables (violence, raillerie, censure, inquisition, exil, autodafé,  etc.) le caractère manifestement anthropomorphique de Dieu.

La revue périodique «Annales de philosophie chrétienne» dirigée par M.A. Bonnetty (éminent membre de la société asiatique de Paris au 19ème siècle) nous donne un bref aperçu de la vision sur l’anthropomorphisme dans ces différentes sociétés indo-européennes fraîchement judaïsées, christianisées et islamisées :

«(…) à mesure que la société marche, que les idées s’étendent, cette tendance à l’anthropomorphisme diminue [17]» 

Si l’on prend le cas du christianisme, qui pourtant pose sans contestation possible et de façon doctrinale la divinité de Jésus-Christ, l’on constate que la dématérialisation de Dieu pour en faire une entité exclusivement spectrale, sans substance, immatérielle avait commencé dès les premiers siècles qui ont suivi l’évangélisation de l’empire romain par les premiers martyrs, à savoir les nègres judéo-chrétiens du bassin méditerranéen. Parmi ces falsificateurs figure en bonne place Marcion dont la théologie a été combattue par l’apologiste chrétien négro-nord-africain Tertullien. Nous avons un témoignage dans la «Revue Catholique : recueil religieux, philosophique, scientifique, historique et littéraire. Volume 27»:


«Il [Tertullien] montre que le Dieu des chrétiens, celui que Marcion appelait le Dieu invisible et caché, n’est autre que le Dieu même des Juifs, le créateur du Monde, qui s’est manifesté dès l’origine par ce merveilleux ouvrage de la sagesse et de sa puissance…Mais en combattant le Dieu idéal et abstrait que Marcion opposait au créateur, le bouillant controversiste paraît se jeter dans un autre extrême et ne reconnaître de Dieu réel qu’un Dieu corporel ; il semble soutenir qu’il n’y a d’autre réalité que le corps, et que Dieu, s’il n’est un être substantiel et vivant, doit être corps, quoique d’une nature infiniment supérieure au corps que nous connaissons. Ici se présente la question discutée parmi les critiques, de l’anthropomorphisme de Tertullien [18]»

Cette nature clairement anthropomorphiste du christianisme primitif, nous dit le Révérend Père de Fraine, n’a rien d’exceptionnel pour les hommes et les femmes de l’Orient antique, dans la mesure où cette conception était partagée par tous, au point qu’il puisse affirmer ceci : 


«Dans l’Ancien Orient il n’y avait rien d’extraordinaire à ce que quelqu’un s’appelât le fils de Dieu».

En effet, dans la titulature de laquelle le faraon de Kemet [Egypte antique] tirait sa légitimité figurait en première place le titre de «Sa Râ» à savoir «fils de Râ» donc «fils de Dieu».
Même si nous ne partageons pas les conclusions de l’analyse que déploie André Neyon dans son livre «Les clefs païennes du christianisme» au sujet de la raison qui aurait présidé à l’échec de la réforme chrétienne en milieu juif, il nous faut quand même prendre acte de son observation juste quant à la familiarité du monde païen gréco-latin avec la notion théologique d’anthropomorphisme. Au point, selon l’auteur, d’être le facteur déterminant dans la conversion des païens au christianisme primitif marqué au fer rouge de l’anthropomorphisme :


« Que l’on admette ou non le sens figuré et, si on l’admet, quelle que soit la solution retenue au gré de chacun, il est certain que l’expression « Fils de Dieu » est responsable de l’échec presque complet du christianisme dans le milieu juif puisqu’il s’agissait d’un blasphème. Inversement, elle a joué un rôle capital dans la conversion des gentils, car le monde païen était familiarisé depuis bien longtemps avec elle,surtout dans les pays de civilisation hellénistique, mais même au-delà :aussi dans les livres brahamistes, les rois étaient d’essence divine, leurs descendants sont donc fils de dieux » [19]

Denise Lamontagne parle même dans «Le culte à Saint Anne en Acadie : Etude ethnohistorique», de l’anthropomorphisme comme essence du christianisme :


«L’anthropomorphisme, avant d’être une idée géniale, constitue à notre avis l’essence même du christianisme qui prend sa source dans l’incarnation du fondateur de cette nouvelle religion issue du monothéisme juif. N’est-ce pas l’idée même d’incarnation d’un Dieu fait homme qui rendait l’anthropomorphisme inévitable dans la psyché des croyants [20] ? »

La notion théologique d’un dieu anthropomorphique est donc une donnée primaire et principiel dans le christianisme. Et comme nous le lisions plus haut, c’est à «(…) à mesure que la société marche, que les idées s’étendent, cette tendance à l’anthropomorphisme diminue [21]». Pour dire que la conception d’un dieu chrétien spectral, fantomatique, invisible, abstrait est une construction intellectuelle tardive, fruit de la spéculation des populations païennes christianisées de l’empire romain. Puisque les sources historiques concourent à dire que les premiers chrétiens, ces Nègres du bassin méditerranéen, martyrs harcelés, persécutés, torturés, traqués et envoyés comme chair à canon dans la fosse aux lions et autres arènes de gladiateur de l’empire romain, n’ont jamais professé rien d’autre qu’un Dieu incarné, un Dieu fait de chair et de sang tout en étant l’Omniscient et l’Omnipotent.

Le changement doctrinal opéré au sein du christianisme, à la suite des différents conciles de l’empire romain comme ceux de Nicée ou de Calcédoine, introduit quelque chose d’étranger aux premiers chrétiens. Cette spéculation romaine devenue croyance sera répétée ad nauseam jusqu’à aujourd’hui, afin de faire oublier l’enseignement premier. Nous le voyons sous la plume d’un Jean Daniélou, qui parlant de Dieu, nous en dit ceci : «La première des choses que nous connaissons de (Dieu), c’est qu’il n’est rien de ce que nous connaissons». Ainsi la porte de l’anthropomorphisme est scellée dans la théologie chrétienne sous lecture et emprise occidentale.

A l’instar du christianisme primitif, le judaïsme primitif, originel ne  peut se départir de cette caractéristique anthropomorphique de Dieu qui est inscrite dans l’ADN même du corpus scripturaire de la Torah. C’est ce que souligne François Bouvier dans son livre «Le panthéisme, ou l’origine de toutes religions» :


« Admettre un Dieu qui parle, c’est se déclarer sectateur de l’anthropomorphisme. Mais il ne faut pas s’y tromper, les Juifs étaient anthropomorphites, puisque le Pentateuque est les autres livres de l’ancien testament sont remplis d’une foule de passages où il est fait mention d’un Dieu qui se montre ou qui parle à des Patriarches ou à des prophètes [22] »

Dans une discussion consignée dans le «Sefer Hakouzari» de rabbi Judah Hallévi qui oppose le roi khazar au rabbin Judah Hallévi lui-même,il est question de la notion d’anthropomorphisme. Le rabbin invitant le roi khazar à ne pas abandonner l’anthropomorphisme et le roi lui demandant le pourquoi de cet anthropomorphisme qu’il juge de trop. Nous citons passage extrait de «Vie mystique et kabbale pratique» de Viry :


«(…) il ne faut pas rejeter les propos concernant les versets suivants : Il voit une représentation de Yaweh (Nombre 8 :12), Ils virent le Dieu d’Israël (Exode 24 :10), ni la Mraséh et le Shiour Qomah, car d’après les opinions des commentateurs, la vénération de Dieu est implantée dans l’esprit humain,comme il est écrit : Que Sa crainte soit sur les faces». 
Mais à ces propos, le roi khazar rétorque : «Une fois que se trouve établies dans la raison les notions de souveraineté, de l’unicité, de la toute puissance et de l’omniscience de Dieu, une fois que l’on sait que tout émane de Lui,alors qu’Il est indépendant de tout, la crainte et l’amour ne s’y établissent-ils pas du même coup ? Quel besoin alors de cet anthropomorphisme ? Ce à quoi répond le rabbin répond : « Ceci est la doctrine des philosophes. Nous savons que l’âme humaine est saisie de crainte lorsqu’elle est mise en présence des choses effrayantes qui lui sont tangibles, mais ne les estime pas lorsqu’elles lui sont suggérées. Elle est attirée par cette forme qui paraît à ses yeux, alors qu’elle n’a aucun désir si on lui en parle[23]» »

Le philosophe germanique de confession juive Franz Rosenzweig (1886-1929) disait de l’anthropomorphisme qu’il était un «système de protection du monothéisme», en clair son «arme de défense» car pour lui «Plus Dieu est relégué au loin, plus facilement l’homme se convainc de pouvoir peupler de demi- et quart dieux l’espace gorgé d’émanations divines qui fait intervalle entre Dieu et lui-même [24]».

Dans un article de l’Encyclopaedia Judaica rédigé par Franz Rosenzweig, Myriam Bienenstock repère les trois moments décisifs qui, selon Rosenzweig, auraient conduit le judaïsme primitif dont le Dieu est anthropomorphe au judaïsme contemporain et sa conception totalement abstraite. Citons quelques extraits de «Cohen face à Rosenzweig : débat sur la pensée allemande» de Myriam Bienenstock :


«Dans son propre essai, Rosenzweig traite ensuite du long combat contre l’anthropomorphisme qui avait marqué l’histoire religieuse juive : un combat qu’il connaissait bien, et dans lequel il distingue trois étapes ou plutôt trois épisodes, trois « actes ». Le premier remonterait à l’époque de Philon d’Alexandrie, ce philosophe juif qui vécut à l’époque du Christ, et qui selon Rosenzweig aurait seulement voulu entendre parler d’un Logos, c’est-à-dire d’un « Dieu spiritualisé ». A l’époque, écrit Rosenzweig, le judaïsme cherchait le salut « à partir des deux extrêmes, Dieu-esprit judéo-grec et Dieu-homme judéo-chrétien». Mais ces deux extrêmes- tant, donc, celui de Philon, que celui du christianisme devraient être critiqués. Le second épisode, le second acte du combat sur la question de l’anthropomorphisme, c’est celui qui se serait déroulé à l’époque de Maïmonide contre ce à quoi se réfère Rosenzweig comme aux grotesques égarements de la Kabbale des débuts », de celle qui parlait de « dénoncer et étalonner les « Figures » de Dieu » ; et l’on notera avec intérêt que Rosenzweig, ici, se range plutôt du côté de Maïmonide. Pourtant, son approbation est nuancée : ce qui ressort surtout de ses lignes, c’est que c’est plutôt ailleurs- non pas chez Maïmonide, mais dans « la Kabbale à son apogée et dans sa phase tardive » - qu’il faut chercher une réponse à la question de l’anthropomorphisme. Mais dans le texte de 1928 que nous examinons ici, Rosenzweig parle très peu du « troisième acte », dans le combat contre l’anthropomorphisme. Il se contente de faire allusion tout au début du texte à l’un des adversaires de l’anthropomorphisme, l’adversaire qui correspondrait à son époque à « la conception dominante » : manifestement, celle qui avait également régné parmi les éditeurs de l’Encyclopaedia Judaica, celle à laquelle Rosenzweig s’oppose. Dans son article,il rapporte cette conception dominante à «une « théorie de la connaissance » : une théorie selon laquelle la pensée seule, c’est-à-dire la raison, et non les sens, pourrait atteindre Dieu, dans sa« nature spirituelle absolue ». L’extrême opposé de ce dernier« acte » dans le combat autour de l’anthropomorphisme n’est même pas  mentionné [25].»

Cette longue citation nous donne à la fois une idée sur l’intensité des débats sur la question de l’anthropomorphisme en milieu juif et surtout l’ancienneté de cette question. Remarquons que le début de la remise en question de l’anthropomorphisme- inhérent à la Torah- commence, selon Rosenzweig, avec le contact avec le monde hellénique, du temps du juif Philon d’Alexandrie et ceux de sa génération.

A une autre échelle, nous pouvons dire que le combat du nord-africain chrétien Tertullien préfigure celui des négro-arabes actifs sous les califats des dynasties abbasside, almohade et ottomane. L’islamisation de l’Afrique du Nord par les califats (Rachidun, Omeyyade, Fatimide) n’a pas ébranlé la consistance du caractère anthropomorphique de Dieu dans la conception des populations autochtones amazighs, et ce jusqu’à la dynastie des Al-Murabitun (Marabouts/Almoravides). C’est uniquement à partir de la dynastie Al-Muwahhidun (Al-Mohade), porteuse d’une interprétation nouvelle de la révélation coranique, qui en vérité consistait à lire le Qur’an Honoré à travers le prisme hellène, comme Marcion lisait également la Sainte Bible sous le prisme néo-pythagoricien, que l’islam en Afrique du Nord tourna le dos durablement pour ne pas dire définitivement à cette donnée anthropomorphique endogène. L’agent propagateur de cette épouvantable dévaluation théologique, héritée du dogme mutazilite, n’est autre qu’Ibn Toumert, l’inspirateur de la dynastie Al-Muwahhidun. Mahfoud Kaddache nous aide à y voir un peu plus clair sur la situation dans son livre « L’Algérie médiévale » :


« Ibn Toumert affirme l’unicité de Dieu, le Tawhid et condamne l’anthropomorphisme (tadjsim) qui prédominait chez les Almoravides [26] »


La grande dynastie Al-Murabitun(Almoravide) qui étendit sa domination sur tout l’ouest du Maghreb, sur une grande partie de la péninsule ibérique et sur la côte ouest africaine depuis la Mauritanie jusqu’à la Sénégambie, restait théologiquement attachée à la tradition africaine de l’anthropomorphisme divin. Si bien que nous pouvons lire dans « Histoire du Maroc » l’exégèse de ses savants qui réservèrent une bonne fortune à cette notion :


« (…) toute expression du Livre est prise au pied de la lettre, ce qui entraîne par exemple l’attribution à la Divinité d’éléments corporels : c’est le « tadjsim », l’anthropomorphisme. Ibn Toumert revenant d’Orient, va lutter contre cet arrêt des études théologiques, contre cette interprétation anthropomorphique, ayant appris de ses maîtres orientaux une Divinité [exclusivement] spirituelle [27] »


A défaut de lutte intellectuelle selon l’éthique du débat formel, les Almohades vont s’attacher à détruire les Almoravides non seulement politiquement mais aussi religieusement en imposant par la violence verbale et physique leur nouvelle interprétation, héritée des Mutazilites de Bagdad, aux territoires du Maghreb, d’Ibérie et d’Afrique de l’Ouest. Pourtant, nous dit Charles-André Julien dans le livre « Les Africains », Ibn Toumert ne pouvait en rien se prévaloir d’une formation religieuse supérieure, d’une compréhension supérieure aux savants al-Murabitun qui justifiât sa violente charge à leur égard:


« (…) par sa formation, il [Ibn Toumert] n’est guère différent de ces braves faqihs almoravides qu’il va plus tard abreuver de mépris, et vouer à l’enfer pour leur ignorance juridique et leur grossier anthropomorphisme (tajsim ou tachbih)[28] »


Cette position anthropomorphisante majoritaire chez les Almoravides comme chez les trois califats négro-arabes (rachidun, omeyyade, fatimide) se retrouve aussi chez le grand théologien musulman Ibn Taymiyya dont nous parle le géographe médiéval Ibn Batouta en des termes accusatoires voire acrimonieux :


« IbnTaymiyya se rend coupable d’anthropomorphisme (tajsim)[29] »


Antoine-Isaac Sylvestre de Sacy dans « Exposé de la religion des Druzes : tiré des livres religieux de cette secte » relève, au troisième siècle de l’Hégire, la grande popularité et la vivacité de cette conception anthropomorphiste dans tout l’Orient, Syrie (ancien fief des Omeyyades) y compris, avec un de ses grands maîtres en la personne de Muhammad ibn Keramial-Sedjestani. :


« (…) naquit le système du tadjsim (c’est-à-dire qui attribue un corps à Dieu), directement opposé à celui des Motazales, et l’on vit paraître Mohammed, fils de Keram (Abou Abdallah Sedjestani), chef de la secte des Kéramis, après l’an 200 de l’Hégire. Il soutint l’existence des attributs divins, et poussa ce dogme jusqu’à donner à Dieu un corps et une figure semblables au corps et à la figure des créatures. Il fit le pèlerinage à la Mecque, vint de là en Syrie et, étant mort à Zogan, en 256, il fut enterré à Jérusalem. Il y avait en ce pays vingt mille et plus de ses sectateurs qui y vivaient dans la piété et dans l’austérité, sans compter ceux qu’il avait dans les régions plus orientales et dont le nombre ne se pouvait se calculer. Il était imam des deux sectes des Schafis et des Hanafis. Il y eut dans l’Orient, entre les Keramis et les Motazales disputes, des querelles et des guerres en grand nombre et à diverses époques[30] »


Cette opposition entre musulmans littéralistes (ici les Kéramis) et musulmans hellénisants (ici les Mutazilites), on le voit, ne s’est pas arrêtée à de simples joutes oratoires mais a dégénéré en conflits ouverts voire en guerres dans tout le monde musulman. C’est ce que nous lisons dans le travail collectif « Etudes de théologie et de philosophie arabo-islamiques à l’époque » où l’on apprend que l’opposition faisait également rage entre Rabbanites et Karaïtes :


« (…) la question de l’anthropomorphisme a été également discutée entre Rabbanites et les Karaïtes. Ces derniers reprochant à leurs adversaires le tajsim grossier de certains textes [31]… »


Citons aussi l’exemple du savant musulman de l’école hanbalite, ‘Abd al-Ghani, qui fut traqué, humilié et poussé à l’exile du fait de son enseignement anthropomorphique, comme nous l’apprend l’ouvrage « The public sphere in muslim societies » :


« Le provoquant savant hanbalite ‘Abd al-Ghani al-Maqdisi peut être placé à l’autre bout du spectre des intellectuels [musulmans]. En 594 H/1199, une majlis convoquée dans la citadelle de Damas avec la présence du gouverneur local tourna en enquête sur ses croyances religieuses, à cause des jurisconsultes shafiites hostiles. Abd al-Ghani y fut accusé d’enseigner un grossier anthropomorphisme (tajsim) dans ses conférences publiques, et taxé d’« innovateur ». Le gouverneur le condamna à l’exile et ordonna que la chaire du haut de laquelle il enseignait soit détruite. En plus de cela, les Hanbalites perdirent le privilège de prier derrière un de leur imam dans la grande mosquée [32]. »


Non seulement ce débat a agité les premiers siècles qui ont suivi la mort du prophète Muhammad ibn Abdallah (PBSL), mais il s’est poursuivi de façon continue jusqu’à aujourd’hui, aussi bien parmi les théologiens que les philosophes musulmans. Les théologiens musulmans actuels, acquis dans leur grande majorité à la conception exclusivement abstraite de Dieu, issue de la pensée gréco-latine via le mutazilisme, se font le plus souvent menaçant à l’égard de quiconque voudrait proposer une lecture littérale quant au corps d’Allah dans le Saint Qur’an. C’est le cas du penseur d’Al-AzharAl-Marâghi (1881-1945) que cite Francine Costet-Tardieu dans « Un réformiste à l’université al-Azhar : œuvre et pensée de Mustafâ al-Marâghi » :


« Le Coran a été révélé dans le style littéraire des Arabes qui comporte des figures de rhétorique telle que la métaphore (majâz) et la métonymie (kinâya) ? C’est la raison (‘aql) qui amène à détourner les mots de leur sens littéral pour leur dénier une signification conforme à la magnificence de Dieu. Il n’est pas admissible que ces ignorants commentent à leur guise le Coran la Tradition prophétique, qu’ils donnent aux mots leurs sens littéral et amènent les gens à tomber dans l’anthropomorphisme (tajsim) et tout ce qui en découle [33]. »


La lecture des autorités religieuses majoritaires dans l’islam actuel fait dire à Habib Feki penseur et philosophe de l’Université de Tunis, que l’ipséité, le caractère propre de Dieu, selon ces autorités, ne peut s’y concevoir que comme :


« (…) une Ipséité inconnaissable et insaisissable. Si l’Ipséité est ainsi et que rien ne le concerne, à qui se rapportent donc les attributs cités dans le Coran et qui amènent obligatoirement au tasbîh (anthropomorphisme) et au tajsîm (incorporation), s’interroge-t-il [34] ? »


La tradition musulmane rapportée par des hadiths non-contestés par l’ensemble des écoles jurisconsultes nous dit ceci :


« Khalaqa Allah Adam ‘ala suratihi [35] »,soit « Allah façonna Adam selon Sa forme ».


Selon les écoles, les interprétations de ce propos que l’on attribue au prophète Muhammad ibn Abdallah diffèrent. Ainsi les savants anti-tajsim, donc qui professent un dieu abstrait, sans forme, immatériel, le « Sa » [en arabe « hi » de « suratihi »] ne se rapporterait pas à Allah mais à Adam. Il faudrait dans ce cas comprendre la phrase non comme précédemment cité : « Allah façonna Adam selon Sa forme ». Mais comme suit : « Allah façonna Adam selon la forme d’Adam ». Ce n’est qu’à ce prix-là que l’on préserve l’option anti-anthropomorphique.

En résumé nous avons :

« Khalaqa Allah Adam ‘ala suratihi » qui se décline en deux compréhensions :

Ø  Allah façonna Adam selon Sa forme (option anthropomorphique)
Ø  Allah façonna Adam selon la forme d’Adam (option anti-anthropomorphique)
Chacun jugera de la pertinence de ces deux lectures.

Toujours est-il que depuis les temps pré-kémitiques jusqu’à la dispersion diasporique contemporaine, la théophanie s’est présentée comme une donnée indissociable de la théologie africaine. La loi universelle qui régit le Monde étant la nature-même de Dieu étendu au cosmos, il était donc inévitable que l’Energie, la Force Vitale de Dieu, comme un courant électrique, manifestât Sa Puissance à travers un véhicule physique, un corps conducteur. Nous pouvons même affirmer que c’est justement le fait qu’Il se manifeste qui nous permet de mesurer celle-ci et d’en constater l’infinité et l’éternité.

Par exemple, comment savoir qu’un courant électrique est infini s’il ne se manifeste pas concrètement dans un conducteur physique ? Il faut comprendre que la matérialisation n’est en rien un frein à l’infinité de la puissance et de l’énergie. La petitesse de l’atome d’uranium ou de plutonium n’empêche rien la puissance quasi infinie contenue dans ces particules atomiques. A plus forte raison dans un corps humain. Et l’erreur souvent commise est de penser que ce qui ne se manifeste pas, ce qui n’existe pas puisse être frappée du sceau de l’éternité ou de l’infinité. Non ce qui ne se manifeste pas, ce qui n’existe pas ne peut-être que nul, zéro, néant. L’éternité et l’infinité sont exclusivement des catégories du monde physique, de la matérialité, de la réalité et non de la virtualité. L’on ne peut appliquer les qualités intrinsèques d’éternité et d’infinité à ce qui est immatérielle. Et cette doctrine, pour qui l’accepte, donne à remodeler la vision communément admise de Dieu, de la religion.

En effet, comme Dieu ne peut que se manifester, la forme qu’Il s’est choisi pour cela ne peut en aucun cas être fortuite. De la même manière qu’un courant électrique ne donne la pleine mesure de sa potentialité que dans le meilleur conducteur, Dieu qui est à l’origine de cette loi, ne peut donner la pleine mesure de Sa Puissance que dans la meilleure des formes.

Et la forme (en médou neter, khepérou) qu’Il s’est choisie a été suffisamment étudiée par Lui-même pour être jugée apte à recevoir Son Essence, Sa force vitale, Sa Puissance que seule le Noun pouvait supporter jusqu’alors. Ce n’est donc pas un hasard si la carnation du corps que S’est choisi Dieu lors de Sa sortie du Noun, du témoignage de tous les livres sacrés, soit noire, telle le Noun, le topo initial, matricielle. Cette conclusion pose de nombreuses questions comme, par exemple, celle des qualités intrinsèques de la peau noire.

Cette matérialité de Dieu professée par toutes les traditions africaines, toute obédience confondue (ancestrale, abrahamique, diasporique), induit indubitablement une éthique du corps, donc une diététique et une esthétique corporelles. Dieu nous dit que le corps qu’Il nous a donné est le meilleur des corps, le Sien : « Laqad khalaqna al-insana fi ahsana taqwimin », « Sûrement nous avons façonné l’Homme dans la meilleure des formes » (Qur’an, 95 :4). Il a donné des instructions pour que ce corps puisse donner le meilleur de lui-même afin d’être apte à recevoir la divinité.

D’où la raison d’une diététique, d’un régime alimentaire idéal essentiellement végétarien, avec des interdits alimentaires, des conditions de consommation et de cuisson (pour la viande par exemple), entrecoupé de périodes de jeûnes. Tout cela se retrouve à l’identique chez tous les peuples originels encore accrochée à une tradition authentique remontant à Dieu Lui-même.

D’où également la raison d’une esthétique, déclinaison spirituelle d’une diététique corporelle, composée de rituels spécifiques (méditations, prières, retraites, exercices physiques comme le yoga égyptien, etc.). C’est de l’Être Suprême que nous tenons ces pratiques, ces rituels, ces recommandations qu’Il réalisait et s’appliquait à Lui-même afin de créer les conditions optimales de manifestation complète de sa divinité.

La combinaison de cette diététique et de cet esthétique donnant lieu à une éthique du corps qui commande de s’abstenir de certaines pratiques contre-nature à l’égard de son propre corps. Comme Dieu Lui-même s’est abstenu de ces pratiques contre-nature à l’encontre de Son corps pour éviter une désharmonie. L’on se souvient de cette discussion entre Dieu et Son Messager Moïse, quand ce dernier Lui demanda de se montrer sous Sa forme de lumière, celle qui se cache derrière le corps noir qu’Il s’est façonné pour se manifester dans ce Monde. Et en ne dévoilant qu’une parcelle infinitésimale de cette forme de lumière Il a fait s’effondrer les montagnes, et Moïse lui-même est tombé dans un état pré-mortem. Ce qui donne une idée de la qualité de ce corps noir capable de supporter la divinité de Dieu que même les montagnes ne peuvent pas.

Ainsi voyons-nous que de cette notion fondamentale d’anthropomorphité de Dieu découle une théologie du corps qui ne s’accorde qu’avec une éthique de l’effort, de la discipline, de la constance, de l’assiduité, de l’élévation.

Comme pour dire que la quintessence, le« saint Graal » ne s’obtient qu’au bout d’un long processus, qu’après avoir fourni de longs et gros efforts individuels. Les Médou Neter nous disent que Dieu à l’état nounique était une particule d’énergie extrêmement lumineuse,qui se mit en mouvement, s’organisa progressivement, prit conscience d’elle-même et finit par se façonner un corps : « J’ai façonné Mon corps…J’ai fait venir à l’existence Mon corps grâce à mon akhw ».

La théologie du corps dans la doctrine africaine pose que le corps de l’Homme est le temple de Dieu. Par conséquent, c’est un lieu sacré, saint. Sacré, sanctifié par Dieu Lui-même, c’est Son propre corps qu’Il nous a donné. Or ce qui est sacré, par définition, est ce qui est « sak », « sakra », en sanskrit c’est ce qui devient « réel/puissant/fort » et qui est protégé de l’injure des Hommes par une peine, une sanction. Par conséquent, le sacré, le saint suscite la peur. La profanation du temple de Dieu, par excellence, à savoir le corps humain, devrait susciter la peur du fait de la peine encourue.

Et cette sanction est bien palpable, puisqu’elle est appliquée au corps lui-même. C’est une chose qu’ont compris les scientifiques de Satan qui élaborent des philosophies basées sur la destruction du corps pour en empêcher l’expression de la divinité, ou l’accès à la divinité et final nous maintenir sous leur autorité, leur pouvoir.

Ainsi comprend-on le pourquoi de cette guerre impitoyable à l’anthropomorphisme, car une pensée anti-anthropomorphique conduit à des idéologies dépréciatives du corps, mortifères ; donc à créer des hommes dominés, facilement dominables. C’est la tendance majoritaire en Orient, où l’on professe une soi-disant spiritualité qui serait ennemi du corps, de la matérialité. Le corps étant de trop, une boursouflure, une tombe dont il faudrait se délester. Ainsi voyons-nous certaines écoles de soufis adopter cette extravagance. Le résultat en étant fatalement l’abandon systématique des prescriptions/rituels légalistes transmises aux Messagers par Dieu Lui-même. Mais un esprit sain dans un corps sale ne donne pas l’harmonie recherchée.

De l’autre côté du spectre, il y a la vision qui se refuse à jeter l’opprobre sur le corps, sur la matérialité mais dans le même temps en nie la divinité, la transcendatalité. Le corps, la matérialité pour cette option philosophique devant être aimé pour lui-même sans but supérieur. C’est la tendance majoritaire en Occident avec des philosophies comme :

·        le consumérisme qui est un débordement de la diététique divine (=on consomme ce que l’on veut, comme on veut, où on veut, combien on veut, avec qui on veut),

·        Ou le narcissisme qui est un débordement de l’esthétique divine (=on façonne le corps pour le corps non par pour le préparer à recevoir la divinité, mais pour son goût personnel, tout ce qui compte étant la forme elle-même, rien d’autre),

·        Ou encore l’hédonisme qui est un débordement de l’éthique divine (=on jouit de tout ce que l’on veut, y compris, voire surtout des interdits divins. Le corps devenant une matière à jouir qui ne se prive d’aucun psychotrope, d’aucun plaisir fusse-t-il éphémère et dangereux).

Mais un esprit sale dans un corps sain non plus ne conduit pas à l’harmonie.
Dans les deux cas nous sommes en face d’une aliénation complète.

Alors d’aucuns nous diront : «comme Dieu ne peut enfreindre Ses propres règles, puisque la Loi du monde c’est celle de Dieu ; par conséquent Dieu ne peut pas être éternel car Son corps ne l’est pas. Vu que le corps (éphémère) que nous avons hérité de Dieu répond aux mêmes règles que le Sien.»

C’est vrai que le corps de Dieu n’est pas éternel, même en suivant les prescriptions nécessaires, il ne peut résister pendant des millions d’années sans finir par dépérir, mourir, disparaître. Et c’est pour cela que les textes sacrés nous parlent de cycles pendant lesquels le Dieu Vivant, Manifesté gouverne le Monde. Après cela vient un nouveau cycle où Son Ka, Son Esprit qui est éternel se manifeste dans un autre corps. Ainsi Rama, Krishna ou encore Vishnou ne sont rien d’autre que la manifestation du même esprit, du même ka dans des corps différents et à des époques différentes.

Par-là, le «rituel de la naissance» des anciens sages d’Afrique et de sa diaspora prend tout son sens. En effet, à la naissance d’un enfant, les sages l’auscultaient sous toutes les coutures pour savoir qui est« revenu ». D’aucuns ont pensé que ce « revenant » recherché par les sages serait un ancêtre familiale, comme une arrière-grand-mère, un arrière-arrière-grand-oncle, etc. Mais les textes sacrés nous disent qu’à la mort des humains leur esprit retourne à leur Créateur et non dans un nouveau corps. Au mieux, ces sages cherchent non pas un homme ou une femme qui aurait déjà vécu avant eux, mais plutôt un homme ou une femme annoncé par la prophétie. Comme pour l’Amény de la prophétie de Néferty, l’Emmanuel de la Torah, le second Christ du Nouveau Testament ou encore le Mahdi de la tradition islamique.

Mais quand il s’agit d’un «revenant» ou plus précisément du «Revenant», c’est de Dieu Lui-même dont il est question ; de la manifestation de Dieu dans Son nouveau corps, en somme d’un nouvel avatar. Ceux que l’on appelle les «Ancêtres» dans le sens premier, ne sont en fait que les différentes théophanies de Dieu au cours des cycles du Monde. Strictu sensu, l’on devrait plutôt parler de l’Ancêtre au singulier.

La tradition conservée au quatre coins du Monde nous dit que le cycle initial d’une théophanie était de 35 000 ans, puis serait passé à 25 000 ans. Il fut des temps où les Hommes pouvaient tous voir Dieu, et il fut des époques où Ce dernier se retira pour ne se présenter qu’à des individus biens particuliers, choisis par Lui-Même. C’est en raison de ce retrait de la vue des Hommes qu’on l’appelle le Caché, l’Invisible ; soit Amon dans le Médou Neter, ou encore Al-Ghaib dans le Qur’an Honoré. Non pas que les yeux ne puissent pas mécaniquement le voir, mais tout simplement pour dire que même s’Il se présentait devant nous, nous ne saurions pas qui Ilest vraiment, ayant caché son identité véritable.

Nous entendons déjà les objections, justifiées par ailleurs, de certains qui nous feraient remarquer que le Qur’an Honoré par exemple nous dit en sa sourate 114 que Dieu n’a pas engendré et qu’Il n’a pas été engendré.

Mais l’on devrait se demander Qui n’a pas engendré ? Et Qui n’est pas été engendré ? Sommes-nous en présence de la même entité ? Parlons-nous de la même personne ?
Effectivement, Atoum le Créateur du Monde, l’Ancêtre des Ancêtres n’a pas été engendré, Il n’a ni père, ni mère. C’est de Lui que nous venons. Les Médou Neter nous disent même qu’Il se dota d’un Conseil, d’une Assemblée Divine comme le dit la Sainte Bible, ou une Assemblée Exaltée comme le dit le Qur’an Honorée, ou une Ennéade composée des fameux Pawtiw comme le rapporte Plutarque dans Osiris et Isis, pour gouverner le Monde.
S’il est vrai qu’Atoum, l’Ancêtre des Ancêtres, le Créateur du Monde n’ait pas été engendré, Amon-Râ qui est un avatar d’Atoum, Lui, a été engendré, comme tous les avatars avant Lui et après Lui.

Se dessine à partir de cette dernière analyse, une politique tirée de la notion anthropomorphisme théologique. En effet, c’est la figure de la Royauté dont la chancellerie en serait le Conseil Royal, qui surgit à lecture de cette notion religieuse. Nos devanciers, parce que se voulant les plus en adéquation possible avec les prescriptions divines ont choisi de reproduire à l’échelle de la société humaine, cette façon de gouverner avec un roi et un conseil des sages, tel Amon-Ra et les Nétérous de Son Ennéade ou Yaweh et les Elohim de Son Assemblée Divine ou encore Allah et les Héritiers de Son Assemblée Exaltée.

Par cette brève étude l’on saisit l’importance capitale de la théophanie en terrain religieux africain et diasporique car les enjeux sont cruciaux et de taille : une théologie du corps qui se décline en éthique du corps, par définition filiationiste et anti-avortement, en diététique du corps, et en esthétique du corps ; une politique pivotant autour de l’institution de la monarchie et une économie physique correspondante. On comprend l’acharnement de l’esprit occidental contre ces présupposés que résume à merveille le philosophe Hans Jonas dans «Le phénomène de la vie : vers une biologie philosophique» :


«En tout cas, l’anthropomorphisme… [Devint] une haute trahison scientifique. Dans cette situation dualiste, nous rencontrons la « nature de l’homme »comme une source de corruption pour la « philosophie » (la science naturelle), et l’objection adressée à l’explication « finale » est qu’elle est anthropomorphique. Ainsi le combat contre la téléologie est-il une étape dans le combat contre l’anthropomorphisme qui est lui-même aussi vieux que la science occidentale. La critique qui commença par le rejet ionien de la personnification mythologique en était à présent venue, sous la nouvelle impulsion du dualisme scientifique, à découvrir la tare dans la forme subtile du finalisme aristotélicien [36].»

De l’époque ionienne avec l’Ecole des philosophes éléates à aujourd’hui avec les scientifiques post-positivistes, la lutte contre l’anthropomorphisme religieux s’est toujours écrite dans le cadre d’une attaque concertée contre un modèle de société qui fait la part belle au respect de la personne humaine, de la filiation, de la vie humaine posée comme sacrée depuis l’état fœtale jusqu’à la vieillesse. Un respect qui s’inscrit complètement dans le cadre des prescriptions divines, de ce Dieu Vivant et Manifesté aux Hommes en son nom de Io chez les Maoris de Nouvelle-Zélande, d’Ouden-Heï chez les Viti de Vanuata ou de Bumba chez les Bashongo d’Afrique Centrale. En ce sens nous donnons raison à Franz Rosenzweig quand il dit que l’anthropomorphisme –ce marqueur des civilisations proprement mélanodermes- est un système de protection du monothéisme, son arme de défense. Car de lui découle toute une organisation sociétale en conformité avec la Nature de l’Homme. Sortir de ce cadre c’est dévoyer le discours divin, travestir voire violer l’esprit de le Loi.


TAHERUKA SHABAZZ, Maître de l’Ecole Shabazziya


[1] Auguy Makey, L’Homme le sublime zéro, préface du Pr Grégoire Biyogo, Editions l’Harmattan-Gabon, Collection Recherche et Pédagogie, 2008, 276 pages

[2] « Les dangers de la colonisation mentale guettent les philosophes africains dans toutes les branches de la philosophie occidentale- philosophieanalytique, herméneutique, pragmatisme, thomisme, marxisme, etc. (…) », Kwasi Wiredu, Conceptual Decolonization in African Philosophy : Fours Essays, p. 21, Hope Publications, 1995, 73 pages. Le philosophe ghanéen de regretter que son appel n’ai pas été suffisamment entendu malgré tout l’effort déployé : « Il y a plus d’une décade et demie de cela j’ai un fait un appel pour une décolonisation conceptuelle de la philosophie africaine (dans une présentation à une conférence de  l’UNESCO sur la philosophie africaine à Nairobi au Kénya en juin 1980), sans que les résultats n’en soient diffusés à grande échelle », Kwasi Wiredu, Cultural universals and particulars : an African perspective, p. 5, Indiana Universities Press, 1996,237 pages

[3] cf. « hell » in J. Hontheim, The Catholic Encyclopedie, tome VII, pp.207-211, New York, 1910

[4] György Doczi, The power of limits : proportional Harmonies in Nature,Art, and architecture, p. 133, Shambhala Publications, 1981, 150 pages

[5] cf. à l’éntrée n°111, « Khoiλοσ » in Allen, Morril and Wardwell, Bibiotheca Sacra and Theological Review, Volume 19, p. 832, 1862

[6] Joseph Masson, Père de nos pères, p. 40, Gregorian Biblical Bookshop, 1988, 284 pages

[7] Nsame Bongo, Contre-histoire de la philosophie : la personnalitéphilosophique du monde noir, p. 111, Editions l’Harmattan, 2013, 326 pages.

[8] João Pédro Galhano Alvès, Anthropologie et écosystème au Niger : Humains,liens et esprits de la forêt dans la culture gourmantché, p. 263, Editions l’Harmattan, 2012, p. 448

[9] La génétique des populations nous permet d’affirmer qu’ils sont leplus anciens sur le sol africain d’après les analyses génétiques fournit partles tests sur l’ADN mitochondrial (Haplogroupe L0d)

[10]Année Sociologique, p. 68, Librairie F. Alcan, 1896

[11]Henry Trilles, L’Âme du Pygmée d’Afrique, p. 129, Editions du Cerf, 1945, 262 pages.

[12] Jozef Antoon Jansen, Annual Egyptological Bibliography, p. 140, BrillArchive.

[13] La cosmogonie égypto-nubienne appelle nétérou (pluriel de neter) des individus, hommes comme femmes indistinctement, qui sont parvenus à manifester le caractère divin en eux. Toutefois l’essence de cette divinité n’est en rien semblable à Celle du Dieu Suprême qui épelle le nom de l’insondabilité, de l’inconnaissibilité

[14] Nous savons qu’ils le sont. Cf 1er cours magistral du Maître Shabazz sur le paradigme de l’Arabie nègre

[15] Laënnec Hurbon, Dieu dans le vaudou haïtien, p. 176, Editions Payot,1972, 268 pages.
[16] Claude Assaba, Vivre et savoir en Afrique : Essai sur l’éducation oraleen yoruba, p. 75, Editions l’Harmattan, Paris, 2000, 210 pages

[17] M.A. Bonnety (sous la direction), Annales de philosophie chrétienne, p. 369, Paris, 1840

[18] Revue Catholique : recueil religieux, philosophique, scientifique, historique et littéraire. Volume 27, pp. 501-502, 1869.

[19] André Neyon, Les clefs païennes du christianisme, pp. 48-49, Les Belles Lettres, Paris, 1979, 167 pages.

[20] Lamontagne, Le culte à Saint Anne en Acadie : Etude ethnohistorique,p. 17, Presses Université Laval, 2011, 361 pages.

[21] M.A. Bonnety (sous la direction), Annales de philosophie chrétienne,p. 369, Paris, 1840
[22] François Bouvier, Le panthéisme, ou l’origine de toutes religions, p.180, E. Hoyois, Paris, 1830, 336 pages.

[23] Viry, Vie mystique et kabbale pratique, p. 15, Editions Lahy, 1995,253 pages.
[24] Franz Rosenzweig, GS III, p. 739

[25] Myriam Biennenstock, Cohen face à Rosenzweig : débat sur la pensée allemande, pp. 61-62, Vrin, 2009, 249 pages.

[26] Mahfoud Kaddache, l’Algérie médiévale, p. 113, Société Nationale de l’Edition et de Diffusion, 1982, 187 pages.

[27] Histoire du Maroc, p. 95

[28] Charles-André Julien, Les Africains, p. 140, Editions J.A, 1978, 301 pages.

[29] Ibn Battuta, Voyages d’Ibn Battuta, p. 451, Editions Anthropos, 1969, 592 pages.

[30] Antoine-Isaac Sylvestre de Sacy, Exposé de la religion des Druzes : tiré des livres religieux de cette secte, pp. xix-xx, Imprimerie Royale, 1838

[31] Georges Vajda, Daniel Grimaret, Maurice R. Houyon, Etudes de théologie et de philosophie arabo-islamiques à l’époque classique, p. 526, Ashagate Pub Co., 1986, 1318 pages.

[32] Miriam Hoexter, Shmuel Noah, Eiserstadt, Nehemia Levtzion, The public sphere in muslim societies, p. 51, Suny Press, 2002, 191 pages.

[33] Francine Costet-Tardieu, Un réformiste à l’université al-Azhar : œuvre et pensée de Mustafâ al-Marâghi, p. 250, Editions Karthala, 2005.

[34] Habib Feki, Jāmī’ah al-Tūnisīyah, Kullīyat al-Ādāb wa-al-‘Ulmial-Insānīyah, Publications de l’Université de Tunis, Faculté des lettres et sciences humaines : Philosophie-Littérature, lbl. 13, p. 90, Presses Universitaires de France, 1978

[35] Ibn Hanbal, Musnad, II: 244, 251, Bukhari, 8.74.246

[36] Hans Jonas, Le phénomène de la vie : vers une biologie philosophique,p. 47, De Boeck Supérieur, 2000, 292 pages